Rechercher dans ce blog

lundi 8 septembre 2014

Ne formons pas un autre groupe




Peinture de Leonora Carrington 


Par Michael Brown.

Le paradoxe du déroulement de notre processus évolutif est que même si c’est une transformation qui impacte finalement l’ensemble de notre groupe humain, elle ne peut être accomplie par la formation de groupes spécifiques au sein de notre collectivité humaine. Une évolution authentique ne peut être initiée par l’activité d’un groupe particulier mais par des individus se transformant eux-mêmes; l’évolution est le résultat d’individus honorant leur authenticité au-delà des activités et des marées de la mentalité collective.

L’un des obstacles retardant l’évolution de notre développement actuel est que nous avons une dépendance à la fabrication d’expériences non authentiques tout en prétendant que nous essayons de devenir authentiques. Un exemple de ce comportement est notre désir de former des groupes spécifiques comme moyen de retrouver l’authenticité. Nous devenons ensuite dépendants de ces groupes, ce qui en retour retarde notre développement évolutif en nourrissant et renforçant la mentalité collective plus que l’authenticité individuelle. L’évolution s’accomplit toujours à partir des « différences » et non des « similarités ».

Les groupes de soutien sont des dépendances déguisées qui nous séduisent et nous font vivre dans le déni. Ils ne peuvent nous aider à grandir émotionnellement puisque ce que nous attendons d’eux est de pouvoir garder notre équilibre. Les groupes sont des sacro-saintes ouvertures vers la perpétuation de notre drame. Ils nous donnent un sentiment d’exclusivité, celui d’être spécial et de posséder une subtile supériorité. Ils nous poussent constamment à faire revivre les vieilles histoires usées que nous nous racontons depuis des années. En nous offrant un espace de partage soi-disant légitime pour raconter nos histoires aux autres, ces groupes ne font qu’offrir un sentiment de réalité mensonger à ces illusions fabriquées.

Un groupe de soutien naît toujours de l’expérience d’une personne. Ce forum devient alors un moyen par lequel l’expérience particulière de cet individu se transforme en un ensemble de règles que tout le monde doit suivre.

Un groupe de soutien naît également des « besoins et désirs » non-intégrés d’une personne. Celle-ci reflète alors ces questions dans un forum composé de personnes partageant ces mêmes dysfonctionnements émotionnels.

Dans cette perspective, les groupes sont de ceux qui sèment potentiellement l’énergie religieuse insidieuse qui devient inévitablement une drogue pour ceux qui ont besoin et désirent suivre quelqu’un ou quelque chose. Ils sont un moyen d’essayer d’orchestrer et d’organiser ‘le moment éternel’. Ils sont le plus souvent une occasion pour les personnes qui manquent de courage pour s’exprimer de s’écouter parler, de sentir que leurs opinions réactives ont un sens et de justifier le fait de continuer d’être incapables de grandir émotionnellement. Du fait que ces structures-mêmes court-circuitent les possibilités de développement émotionnel individuel authentique, les groupes deviennent immanquablement des bourbiers de critiques et soutiennent ainsi la faiblesse inhérente à la mentalité victime/vainqueur.

Combien de groupes de soutien possèdent un fonctionnement interne permettant de libérer leurs membres du groupe afin qu’ils puissent apprendre à fonctionner de façon libre et indépendante sans lui ?

Ceux qui se laissent enfermer dans la dépendance à l’alcool et à la toxicomanie sont-ils un jour libérés par leur groupe de soutien, ou le groupe ne devient-il pas à son tour une dépendance camouflée qui retient ses membres paralysés et emprisonnés dans la toile d’une organisation d’auto-préservation ?

Les groupes de conscientisation du moment présent nous aident-ils à expérimenter notre conscience du moment présent, ou mettent-ils tout simplement en évidence notre frustration de ne pouvoir le faire ?

Ce n’est pas parce qu’un groupe de soutien permet à ses membres de faire du surplace, de vivre dans un ‘désespoir tranquille’, de trouver des compagnons de misère ou d’échanger longuement sur des concepts spirituels, que cela signifie qu’il accomplit quelque chose de tangible et donc de durable.
Si l’intention d’un groupe de soutien n’est pas de libérer ses membres aussi rapidement et efficacement que possible, il n’est qu’un outil de dépendance qui engendre l’emprisonnement de la perception.