vendredi 16 mai 2014

La performance n’a pas droit de cité en spiritualité



Balthasar Gracian a écrit: L’orange qui est trop pressée donne un jus amer;  à vouloir tirer trop de lait, on fait venir le sang.»  L’esprit de performance mène à viser une réussite remarquable à la manière de celle de l’athlète, du virtuose, du prodige, du spécialiste ou d’un maître.  Le désir de performer amène à tenter d’atteindre une réussite inégalée qui ne peut qu’attirer le respect et l’admiration.  Mais combien de gens qui ont souhaité battre des performances antérieures ont fini par sombrer dans la dépression et le désespoir, en plus d’avoir torturé et déformé leur corps, après que les acclamations se soient tues, conservant de leurs exploits des séquelles permanentes?


De nos jours, un grand nombre de personnes vient avec le stress de performance du fait qu’ils entretiennent des attentes élevées, très souvent irréalistes, envers eux-mêmes, ressentant constamment une obligation de se surpasser, de se montrer à la hauteur des attentes d’autrui, de bien faire les choses.  La quête de performance a sûrement quelque chose à voir avec  des blessures de l’ego.  Il y a là une tentative de récupérer quelque chose qu’on n’a pas ou qu’on croit avoir perdu.

S’il y a un domaine où la performance n’a pas droit de cité, c’est bien en spiritualité, où il n’existe pas de raccourci évolutif.   Bien des personnes sont fascinées par la spiritualité mais ne réalisent pas qu’il s’agit d’une voie de vie où sont refoulés les apprentis-sorciers, les fraudeurs, les fourbes, les imposteurs, les impatients, les affairés.  Elles veulent développer des pouvoirs mentaux et psychiques pour se simplifier la tâche ou pour épater la galerie par leurs exploits.  N’y parvenant pas, elles en viennent à nier et à ridiculiser ceux qui continuent de suivre ce sentier.  Elles, elles voulaient percevoir les auras pour satisfaire leur curiosité vaine ou malsaine, découvrir des filons d’or pour ne plus avoir à travailler, réussir à allumer ou à éteindre des feux pour s’amuser, réussir à lire indiscrètement la pensée des autres, faire de la lévitation pour étonner leurs voisins, etc.

En général, plus un être s‘est senti humilié dans ses résultats dans le passé, plus il en vient à vouloir devenir performant.  La performance, c’est une perversion du mental qui veut s’enfler et assurer sa pérennité, cherchant comment il pourrait se substituer à Dieu, refaire le monde à sa mesure, selon sa compréhension et ses limites.  Malheureusement, l’évolution doit d’abord être spirituelle et vise un plan prioritaire: l’achèvement du Cosmos et l’accomplissement de l’Homme.  Il n’est donc pas plus sage d’entrer sur la voie mystique simplement pour faire son salut.