Publié par LaPresseGalactique.org le 13 sept, 2013 sous CONSCIENCE |
D’après mon expérience, les personnes surdouées et
talentueuses sont plus susceptibles de connaître une forme de dépression
qu’on appelle une crise existentielle. Bien que quiconque puisse
traverser un épisode de crise existentielle suite à un décès important
ou la peur de perdre un proche, qui met en évidence le caractère
éphémère de la vie, les personnes ayant une grande capacité
intellectuelle sont plus enclines à avoir spontanément une crise
existentielle. Parfois, cette crise existentielle est liée à
l’expérience de désintégration positive évoquée par Dabrowski (1996).
La crise existentielle est une dépression qui survient quand un
individu affronte certaines questions fondamentales de l’existence.
Yalom (1980) décrit quatre questions (ou « préoccupations ultimes ») –
la mort, la liberté, l’isolement et l’insignifiance. La mort est un
événement inévitable. La liberté, dans un sens existentiel, renvoie à
l’absence de structure extérieure. C’est-à-dire que les humains
n’entrent pas dans un monde structuré de lui-même. Nous devons donner au
monde une structure que nous créons nous-mêmes. L’isolement témoigne du
fait que quelle que soit la proximité avec une autre personne, il reste
toujours une distance, et nous sommes toujours seuls. L’insignifiance
découle de ces trois points. Si nous devons mourir, si nous construisons
notre propre monde, et si chacun de nous est ultimement seul, alors
quel est le sens de la vie ?
Pourquoi ces préoccupations existentielles reviennent de manière
disproportionnée chez les surdoués ? En partie parce qu’avant même d’en
arriver à ces notions, une analyse et réflexion sérieuse est nécessaire,
plutôt que juste se concentrer sur les aspects superficiels et
quotidiens de la vie. D’autres caractéristiques plus spécifiques aux
enfants surdoués les y prédisposent également.
Comme les enfants surdoués sont capables d’imaginer comment les
choses pourraient être autrement, ils sont souvent idéalistes.
Cependant, ils voient en même temps que le monde est loin d’être ce
qu’il pourrait être. Comme ils ont un caractère passionné, les enfants
surdoués ressentent une profonde déception et frustration quand les
idéaux ne sont pas atteints. De même, ces jeunes comprennent rapidement
les incohérences, l’arbitraire et les absurdités de la société et des
comportements qui les entourent. Les traditions sont remises en question
ou contestées. Par exemple, pourquoi il a-t-il des restrictions aussi
sévères liées au sexe ou à l’âge ? Pourquoi les gens adoptent des
comportements hypocrites qui leur font faire le contraire de ce qu’ils
disent ? Pourquoi les gens disent des choses qu’ils ne voulaient pas
dire ? Pourquoi tant de gens sont si inconscients et insensibles dans
leurs relations avec les autres ? A quel point une personne peut changer
le monde ?
Quand les enfants surdoués tentent d’échanger ces préoccupations avec
les autres, ils rencontrent généralement des réactions qui vont de
l’étonnement à l’hostilité. Ils découvrent que les autres personnes, et
surtout de leur âge, ne partagent clairement pas leurs préoccupations,
et au contraire se concentrent plutôt sur les problèmes concrets et sur
le fait de répondre aux attentes des autres. Ces jeunes, surtout les
plus doués, se retrouvent souvent isolés dès le CP et parfois aussi de
leur famille car ils constatent que les autres ne sont pas disposés à
discuter de ces graves questions.
Quand leur caractère passionné se mélange à leur potentiel multiple,
ces jeunes sont extrêmement frustrés par les limites existentielles de
l’espace et du temps. Il n’y a tout simplement pas assez d’heures dans
une journée pour développer tous les talents qu’ont la plupart de ces
enfants. Faire des choix parmi les possibilités est en effet arbitraire;
il n’y a pas de choix qui soit « ultimement le meilleur ». Il est même
difficile de choisir une vocation si l’on a un choix de carrière à faire
entre des passions, des talents et un potentiel sensiblement égal pour
le violon, la neurologie, les mathématiques théoriques et les relations
internationales.
La réaction des jeunes surdoués face à ces frustrations (encore une
fois avec passion) est souvent la colère. Mais ils découvrent vite que
leur colère est vaine, car elle est dirigée en fait vers le « destin »
ou d’autres choses qu’ils ne peuvent pas contrôler. Une colère qui n’a
pas d’impact se transforme rapidement en dépression.
Dans une telle dépression, les enfants surdoués essaient généralement
de trouver un sens, un point d’ancrage qui leur permette de sortir du
bourbier de « l’injustice ». Mais souvent, plus ils essayent de s’en
sortir, plus ils prennent conscience que leur vie est finie et brève,
qu’ils sont seuls et qu’ils ne sont qu’un très petit organisme dans un
monde assez grand, et qu’il y a une liberté effrayante en ce qui
concerne la façon dont on choisit de vivre sa vie. C’est à ce moment-là
qu’ils s’interrogent sur le sens de la vie et demandent, « La vie
n’est-elle que ça ? N’y a-t-il pas ultimement de sens ? La vie
n’a-t-elle de sens que si je lui en donne un ? Je suis un organisme
minuscule, insignifiant, seul dans un monde absurde, arbitraire et
capricieux où ma vie n’a pas d’effet, et où je finis par mourir. Est-ce
tout ce qu’il y a ?« .
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